Vous êtes-vous déjà demandé comment vivaient les philosophes ? Attention, les vrais, ceux qui réfléchissent vraiment et ne font pas semblant de prononcer des phrases extraordinaires, pour la gloire. Les véritables hommes d’esprit qui s’interrogent sur des choses sérieuses, fondamentales, et que l’on croyait déjà connaître, mais qu’en fait, bah non, puisqu’ils en disent encore pleins de choses. Les vrais philosophes qui rédigent des phrases interminables, mais qui gardent, malgré tout, un sens. Ces hommes là ne sont guère connus, hormis les plus célèbres (Diderot, Kant et tous leurs copains), et plus récemment Bernard Henri Lévy, qui apparemment passe le plus clair de son temps à la télévision. Ça tombe bien: réduit à ses initiales, son nom fait étrangement penser à une chaîne d’information de la TNT… ou à un réseau internet incompréhensible, comme le flux RSS. Allez savoir, tout est possible.
Les philosophes, donc, ces hommes et femmes de l’ombre, en minorité, qui s’interrogent sur tout et ne laissent rien au hasard. Que font-ils, après leurs études ? Il est évident qu’il n’existe aucun métier de « philosophe », alors il faut supposer que ces personnes se spécialisent dans un autre travail, à visée purement alimentaire. Certains deviennent prof de philo -ce qui me semble le plus logique- d’autres choisissent la voie tortueuse de l’écrivain, ou du journalisme. D’autres encore finissent plombiers, électriciens, maçons. Cessent-ils alors de s’interroger ? J’espère que non.
Au cours de mes recherches sur Google, j’ai découvert que les personnes répondant aux questions du style « Bonjour, je m’appelle Jean-Paul et j’aime beaucoup philosopher, d’ailleurs ma dernière réflexion portait sur les bords des trottoirs qui sont plus clairs que leur surface, que puis-je faire après la fac ? » étaient plutôt aigres. Certaines personnes tentaient d’aiguiller le pauvre étudiant perdu vers des voies de garages, prenant probablement le misérable en pitié et voulant lui éviter le chômage ou un destin funeste de SDF. Mais j’ai lu certaines réponses particulièrement troublantes, voire choquantes: il y a des gens qui considèrent les philosophes comme des rebuts de la société, vivant de leurs impôts, tels des sangsues.
Je ne sais pas comment ça se passe pour vous, mais pour moi, les philosophes ne sont pas des gêneurs -bon, sauf BHL, mais lui personne ne le porte vraiment dans son coeur à ce que j’ai compris. Moi le gars, j’ai entendu parler de lui une fois, ça m’a suffi, même si en général ça ne l’est pas pour juger une personne Après tout, si personne ne s’interrogeait plus (et pas uniquement sur la question des trottoirs, hein), tout le monde vivrait dans un monde éternellement identique, il n’y aurait plus d’émerveillement, de grandes découvertes liées à l’esprit. J’aime leurs conclusions fantasques, leurs réflexions sans queue ni tête, leurs phrases interminables. Si personne ne faisait plus ce qu’ils font, le monde serait ennuyant. Les philosophes soulèvent des cas improbables, élaborent des thèses que la moitié de l’humanité ne doit pas comprendre. C’est ce qui fait leur charme. Ils pensent à ce à quoi nous ne pensons pas.
A mon sens, ces hommes d’esprit, souvent dénigrés et rejetés par la société (bon Google ce n’est pas la science infuse, je vous l’accorde, mais c’est déjà un bon début) ne sont pas plus inutiles que les secrétaires de secrétaires, ou les gens qui aident les PDG à licencier leurs employés sans le sous. Et puis, s’ils travaillent en-dehors de leur activité première, je ne vois pas en quoi ils vivraient aux crochets des autres.
Bref. Faut pas oublier non plus que les élèves de terminale littéraire ont rien à faire, c’est bien connu, du moins tous ceux qui sont en S, dans le camp de l’ennemi, le répètent, du coup la philo, ben ça fait toujours une matière pour combler les trous, c’est toujours ça de pris. Vouala vouala.